Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/121

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ment involontaire ; elle se rapprocha de lui et se mit à trembler pour de bon.

Était-ce la fraîcheur montant du jardin ou le regard étrange de cette lune dont la pâleur se mélangeait de sang, qui la faisait trembler ? Était-ce parce qu’elle se sentait trop heureuse et que sa joie l’angoissait subitement ?

Elle n’aurait su le dire.

Henri l’examinait à la dérobée. Il lui découvrait un genre de beauté qui ne lui plaisait guère. Ce profil de femme au nez court, au menton troué d’une fossette large, brisant la ligne, à la tempe étroite, aux yeux longs, tellement longs qu’ils avaient l’apparence d’une tente entre les bords soyeux de laquelle vous regarderait un chat sauvage, l’étonnait et le gênait à la fois. Cela déroutait tous ses préjugés sur l’éternel féminin, ses combinaisons de garçon ordonné, méthodique. Il aurait préféré une femme moins bien faite, aux hanches moins développées et à la figure plus régulière, plus comme les autres, La chevelure, par exemple, le rendait fier, et il se disait ; « Ce n’est pas la queue de souris de nos pauvres Parisiennes, qui n’ont que juste ce qui leur faut pour accompagner leur chapeau. » Malgré cette qualité essentielle, il relevait les tares avec le soin méticuleux d’un fiancé peu enthousiaste.

Elle était originale, facile à dégrossir et suffisamment prometteuse de bonne maternité, mais elle se souciait peu de sa toilette, portait d’anciennes