Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jolies habitudes, elle n’avait pas leur langage vulgaire, puisqu’elle se taisait perpétuellement, une preuve de goût, et si elle aimait son intérieur, ses enfants, il ne lui demanderait pas des tours de force. Oh ! ce petit intérieur gentil qu’il rêvait ! Un train-train de charrette anglaise toujours bien tenue, et cependant point prétentieuse, attelée d’une aimable jument poulinière pas dure aux réactions, supportant le frein dans les descentes et venant prendre le sucre sur la main de son maître, sans qu’on ait jamais besoin du fouet !

Élevé par une tante rechignée, vieille fille maniaque, et son père, un veuf ayant eu des chagrins, Henri Alban désirait fonder une véritable famille, selon les idées qu’en donnaient les tableaux à la Charles Dickens, son auteur de prédilection. Armand de Bréville, du reste, répondait de l’avenir, et, pas plus dévot qu’il ne le fallait, car il n’allait pas aux manifestations religieuses, Henri remerciait son ami curé du fond du cœur ; il n’y a qu’eux encore, les jupons noirs, pour dénicher la perle dans l’huître !

C’est égal, il aurait voulu fumer. L’interdiction du cigare lui gâtait sa soirée de fiançailles.

Laure murmura d’une voix basse, troublée, coupée d’hésitations :

― La lune me fait peur. Voyez donc, monsieur, comme elle est rouge ?

Henri se pencha sur la terrasse, mit ses coudes et sourit :