Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tu es beau, je t’adore, viens-nous-en dans l’herbe, là bas ! Je te prouverai que je suis belle, et cela vaudra bien un mariage à l’église où je connais un prêtre qui nous maudira au lieu de nous bénir, un monstre jaloux qui, debout, sous le porche, aura le droit de cracher sur ma robe blanche !…

Le fiancé murmura :

— Quand nous serons mariés, nous achèterons une Victoria… Je crois que nous le pourrons en faisant quelques économies, et nous irons les jours de fêtes au chef-lieu.

Laure dit d’un ton sourd :

— Je me moque des voitures, monsieur Henri, je ne suis pas ambitieuse.

Elle tâchait d’être absolument simple et de lui dissimuler ses révoltes.

Il s’amusa de son ingénuité.

— Ce n’est pas par ambition qu’on a une Victoria, chère petite, c’est pour la commodité des rapports avec les clients. Un notaire ne peut pas voyager à pied, je vous assure.

— Ah !… vous croyez ! Des larmes vinrent au bord des paupières de la jeune fille. De quoi donc lui parlait-il ?

— Aimez-vous la toilette ?

— Je n’ai qu’une robe, elle est toujours neuve, répondit Laure.

Et sa moue hautaine ajouta : Cette robe-là, c’est ma peau, tu n’as pas l’air pressé de la voir, hein ?