Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/144

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angulaire, bordée d’un mur qu’un chèvrefeuille dépassait, et rendue toute sombre par l’épaisseur du figuier et l’élévation de l’église. On se trouvait juste derrière la sacristie. Un vitrail dominait les gens, leur montrant sa couronne d’épines rayonnantes, dans les flammes rouges d’un sacré-cœur de Jésus.

Ce puits, très ancien, s’ornait de figures sculptées, grimaçantes, aux nez camards, que des ouvriers rustres avaient polies à la lime pour nettoyer la margelle, en un jour de liesse. Une armature de fer forgé s’élançait au-dessus du trou béant, se séparant comme deux rideaux de dentelles noires et retombant en volutes capricieuses toutes déchirées.

Des étrangers avaient cueilli la moitié de ces fleurs de fer, une fois, en visitant les beautés de la petite ville, et un collectionneur du chef-lieu écrivait au maire, chaque année, pour obtenir le restant.

On se chuchotait ces choses d’archéologie parmi les notables du quartier, les uns piétinant dans la boue, agacés, les autres se poussant du coude, répétant avec indignation :

— Voyons ! Voyons ! Du silence ! Il s’agit d’un mort et non pas de vendre de la ferraille ! Messieurs, de la tenue, je vous en prie ! le curé n’est pas content.

Les rumeurs sur le puits s’apaisèrent, tandis que le concert des femmes, gémissant sur le mort, reprenait plus haut :