Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/158

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chœur n’auraient qu’à devancer l’heure de la messe… Non, les nouvelles ne sont pas bonnes. On cherche Lucien et on oublie de vous chercher, ma pauvre amie !

Elle riait, le plaisantait à cause de ses terreurs nocturnes, mais n’essayait plus de le tenter, car elle désirait un autre mâle et pensait pourtant qu’il était nigaud, tout de même, de ne pas profiter d’elle.

Une nuit, Laure se mit à sa fenêtre, c’est-à-dire au vitrail de la sacristie, une antique verrière timbrée d’une flamboyante couronne d’épines. La place, derrière l’église, était toujours déserte, et le puits, sous le grand figuier, semblait dormir d’un mauvais sommeil de monstre qui va ramper loin dans la terre, pour ne laisser voir aux passants que sa gueule béante. Il faisait chaud, il faisait doux, l’arome capiteux d’un chèvrefeuille vagabondait autour de la jeune fille… Soudain, comme si le vent, afin de permettre cette atrocité, eût brusquement saut du nord au sud, l’arome de chèvrefeuille s’envola, et du puits s’exhala une effroyable bouffée, une haleine pourrie qui se posa tout humide sur sa joue. Elle se rejeta en arrière, les mains jointes.

— Est-ce possible ? s’écria-t-elle.

Sérieusement alarmée, cette fois, elle se précipita au bas de son escabeau, les dents claquantes, les poings aux narines, pour ne plus sentir l’odeur de la mort. Dans les nues, une lune rougeâtre la