Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Certes, elle s’attendait bien au retour du glacial compagnon de sa vie, elle savait que l’habitude le lui ramènerait, mais elle souffrait cruellement de ces successifs abandons, et, le cœur de plus en plus gonflé par une éclosion de tendresses anormales, elle éprouvait le besoin de s’épancher maintenant en des jeux de petite fille câline qui se console avec une poupée.

Très simple, elle aurait pu devenir une amante divine si on l’avait aimée, car elle était, en somme, bien moins femme, c’est-à-dire moins perverse qu’une autre. Mais il aurait fallu la cajoler, la garder, l’envelopper de voluptueuses attentions, et malheureusement son cœur tombait sur ce meurtrier d’amour qu’on appelle : un homme rangé.

Pourtant héroïque, cette femme coupable avait décidé de ne point trahir son amant malgré la froideur qu’il lui témoignait. Non, elle se révoltait à l’idée de le tromper ! Elle résisterait de toutes ses forces aux tentations, et si le démon criait de colère, au fond d’elle, rugissait dans ses entrailles d’inassouvie, elle rapporterait tous ces loisirs de caresses sur le microscopique nourrisson, l’enfant de son cerveau. Et elle entamait courageusement cette lutte navrante de l’amour qui s’exalte contre l’amour qui raille. Il se ficherait d’elle, soit, mais il ne trouverait pas l’occasion de la quitter ; elle se ferait plus soumise encore, se blottirait dans l’ombre, lui donnant la permission de l’enfermer dans sa cage, et elle se créerait une affection de