Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/175

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çon bien élevé redoute, il ne serait pas ridicule au point de refuser les grâces d’un corps qui ne coûtait presque rien à entretenir, mais il ne livrerait, du sien, que juste ce qu’en demandait l’hygiène !

Dégoûté d’elle avant d’avoir épuisé les trésors de sa personne, il dormait, à côté de ses grâces, du sommeil calme d’un mari qui, par extraordinaire, vient de manquer de respect à sa jeune compagne… Et, toujours d’une politesse navrante, il lui faisait observer qu’il lui laissait la meilleure place, donc rentrait dans l’estimable catégorie des amants distingués, des amants propres.

— Tu pourrais, un jour, ma mignonne, t’acoquiner ! Ce jour-là tu me regretteras ! lui disait-il avec un fin sourire de sceptique.

Laure, en guettant le réveil du petit chat, se remémorait ces phrases :

— Ma chérie, tu peux me tromper : je ne t’en voudrai pas, c’est la loi universelle. — Mais, ma pauvre amie, crois-tu donc que nous vivrons toujours ensemble ? — L’amour, c’est un mot… et plus tard, quand je serai marié… — Moi, j’élèverai mes enfants dans la crainte d’une mauvaise passion comme la gourmandise, car la sensualité du goût mène à la sensualité sexuelle. — Ma chère amie, rassure-toi, un garçon de ma trempe ne quitte pas une femme sans penser à son avenir ; il lui laisse un billet de mille, sinon il essaye de la mettre avec quelqu’un de convenable.

C’était là son langage sentimental et philoso-