Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pied fou, la tête remplie d’une impatience extraordinaire. Elle choisit un poulet chez le rôtisseur, tandis que le chat, passant ses moustaches, flairait au bord du panier, l’air très sérieux, les prunelles luisantes. Elle fit entamer un jambon chez le charcutier, bouleversa trois boîtes de raisins et une corbeille de pêches à la fruiterie. On lui souriait en caressant la drôle de petite bête qui l’accompagnait, et on lui disait : — En voilà un enfant bien heureux !… — Comme si on était certain que toutes les provisions de la jeune dame fussent pour la gourmandise de l’animal. Elle remonta, le cœur battant, pensant le trouver là, mais il n’était pas encore de retour. Elle déboucha une bouteille et la plongea au frais, dans un seau d’eau, coucha son poulet sur le plat de vieux rouen, arrangea ses fruits sur les assiettes japonaises, et se recula pour mieux jouir de l’effet.

Le minet, enthousiasmé, bondissait le long de sa robe, la suivait de l’atelier au petit salon et du petit salon jusqu’au seuil de la porte. Il était confiant, n’attendait personne, avait l’assurance qu’il mangerait tout.

— Sept heures et demie, murmura Laure désespérant subitement ; il ne revient pas et il ne m’envoie pas de télégramme.

Elle s’assit en face du poulet ; le chat grimpa, les ongles déjà solides s’accrochant aux plis du peignoir, lui donnant des coups de patte, pressé de goûter à l’énorme volaille dorée que, lui, si mi-