Sa mère était morte, et Armand de Bréville, se rappelant son adresse, qu’elle lui avait donnée dès son installation rue de Seine, lui envoyait laconiquement ce cruel faire-part… Elle attendait l’amant, et la mort venait, l’ironique mort, avec son cortège de sombres souvenirs, toutes les rancunes, toutes les malédictions… La jeune femme jeta ce papier funèbre vis-à-vis d’elle, sur la serviette d’Henri, ses yeux secs eurent une expression farouche :
— Je suis seule depuis ma naissance, dit-elle froidement, et je sens que je resterai seule toute la vie. À quoi bon pleurer ma mère ! Je n’étais pas de sa race, puisqu’elle ne m’a jamais connue ! D’ailleurs, qui me pleurera, moi, le monstre ?
Elle aurait peut-être sangloté sur la poitrine d’Henri, attendrie par l’effusion d’un retour inespéré ; mais, à présent, certaine que son amant ne rentrerait pas ce soir-là, elle entama résolurent le poulet, prenant un plaisir mauvais à planter son couteau dans la chair, à mordre avec des bruits de crocs comme un fauve que l’unique satisfaction de ses appétits préoccupe.