Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/185

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Moi, de mon côté, j’ai des devoirs que je ne peux pas négliger. Je ne saule pas à pieds joints sur la famille comme toi… Tu crains encore un mariage ? Non, je t’avertirai, Laure. Je te jure que je serai toujours correct à ton égard. Je t’aime bien, je ne te laisserai pas dans la peine ; pourtant… après tout ce que j’ai fait pour toi, tu…

Elle lui ferma la bouche par un baiser.

— Tais-toi donc, balbutia-t-elle, tu vas me prouver que tu as raison. Oui, tu es très gentil, très doux, je ne te reproche rien. Je comprends, je te suis lourde… Oh ! si lourde… Je pèse sur ton existence comme en ce moment sur tes genoux… et tu voudrais fuir. Je te représente le mauvais génie, moi, que tu croyais un ange… cependant, il ne faut pas me quitter… (Elle entoura le cou du jeune homme de ses bras). Avec toi je suis presque une femme, sans toi, je serai une machine qui ne vivra plus. Ah ! si je savais gagner de l’argent, je te rembourserais tout ce que tu as dépensé pour moi. Tiens, vois-tu, la nuit, lorsque je me réveille, que tu n’es pas là, il me semble que je me retrouve dans un grand bois où je suis déjà venue étant toute petite fille, et j’entends hurler des loups, il fait sombre, il fait l’hiver, j’ai faim… Je tremble, et ma tête ne peut plus se tourner du côté du ciel. Je rencontre des fleurs et je ne m’explique plus ce que c’est qu’une fleur, je rencontre de l’argent et je ne sais plus ce que c’est qu’une pièce d’or qui brille sur la mousse… et si je rencontrais ma mère,