Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/210

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de rien. Il revint à sa table, grommelant des mots inintelligibles. Laure se risqua de nouveau, elle plongea un dernier regard, attirée surtout par l’éclat de ces pierreries, miroir aux alouettes, que ce garçon pauvre remuait négligemment, et elle aurait volontiers sollicité la permission de jouer avec. Qu’il était donc heureux, le gamin, de triturer cette fortune ! Elle regardait de tous ses yeux luisants, intéressée au plus haut point. Son vagabondage sur les toits lui rendait une heure de sa petite enfance, une des heures les plus pures, celle dépensée à jouer aux bouchons de carafe, aux prismes dans lesquels son cœur naïf s’imaginait voir comme un reflet de paradis. À cette époque, elle aurait donné bien des choses pour devenir la petite femme d’un ouvrier bijoutier travaillant même dans le faux ! Limpidité merveilleuse des fragments de ciel, naïveté de ses croyances de fillette, comme tout cela s’était vite terni, mon Dieu ! Est-ce qu’on ne pouvait jamais exister tranquillement sans les fièvres des sens qui se glissent dans tous les jeux, même les plus innocents ?… Accrochée au rebord de la fenêtre, s’y tenant de ses dix ongles et portée sur les deux extrémités fourchues de ses mules, elle était presque résolue à lui crier : — Voulez-vous que nous partagions ! lorsqu’elle demeura la bouche béante, les prunelles fixes. Le jeune garçon, abandonnant une troisième fois son ouvrage, s’était renversé en arrière, saisi d’une subite extase. Il avait eu, soudain, un geste fou,