Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/23

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Pour la remercier, il donna le signal d’une ronde infernale. Toutes les bêtes bondissant ensemble, à des hauteurs vertigineuses, avaient l’air, en retombant, de dégringoler de la nue. Quelquefois, se découpant sur la rondeur de la lune, le plus noir devenait immense, les oreilles dressées comme des cornes diaboliques, les pattes écartées sur l’envergure de ce globe d’or, pressant ce monde entre ses muscles d’acier. Le chat blanc, bondissant à son tour, dans une pose inouïe de fillette nue et maigrichonne, se lançait à travers une nébuleuse, se pailletait de poudre d’argent, et les autres, pirouettant, s’enlevant sur leurs griffes aiguës, comme des danseuses de ballet sur leurs pointes, faisaient onduler leurs queues au bout desquelles scintillaient des étoiles, fleurs de cristal s’épanouissant sur de fabuleuses tiges poilues ou jets de feu terminant des coups de fouet. La femme, ravie, leur lançait d’excitants claquements de langue, ne sentant guère la crampe qui lui tenaillait les chevilles. Selon le rythme d’un quadrille sauvage appris on ne sait où, les quatre grands dansaient autour du plus jeune. Ils se ruaient sur lui, se culbutaient, mêlant leurs membres, ne formant plus qu’une pieuvre hérissée de crocs et de griffes.

Ils juraient, imitant le bruit d’une lame posée une seconde sur la meule, s’arrêtaient pour se remettre à ramper avec des mines de panthères en furie, et tout d’un coup, bravant le précipice de la rue, se suspendaient au bord du toit, remontaient,