Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/233

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terre, à cent lieues du monde civilisé, oubliant les lois et les mœurs pour ne se rappeler qu’elle était aussi libre que le vent qui dénouait ses cheveux, se tînt prête à entamer l’idylle.

— Vous prenez le frais, madame ? soupira une voix timide.

Laure le vit s’allonger en face d’elle, sur les tuiles inclinées du toit voisin, ses deux mains accrochées à deux crampons de couvreur, ses jambes crispées sur la gouttière à quelques centimètres de l’abîme, et si souple, si mince, qu’il en paraissait annelé comme un scolopendre. Il était vêtu du petit veston de toile bleue, cintré au dos, des ouvriers en costume de travail. Ses cheveux châtains, frisottant sur le front, s’ébouriffaient aux coups de vent rageurs, et ses yeux clairs, limpides comme deux diamants, reflétaient les rayons lunaires jusqu’à s’en incendier. Il montrait, en parlant, des dents aiguës, auxquelles un pain dur ne devait jamais résister. Moitié jeune renard, moitié jeune singe, il était gracieux avec une insupportable pointe de gouaillerie ; mais pour la minute, il demeurait timide, tout honteux en présence de cette princesse folle qui lui rappelait une histoire dont Le souvenir le remplissait de confusion.

Laure, de son côté, allongée en sphinx, moulée dans sa robe de chambre de velours noir, les mains unies sous son menton, sa belle natte serpentant sur sa croupe, lui faisait un vis-à-vis diabolique. Elle répondit avec un clin d’yeux railleur :