Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/245

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— Bête… est-ce qu’on peut mettre l’amour en prison ? Il sort toujours une fois ou l’autre. Je te pardonne.

— Dis-moi ton nom, je t’en prie, je le ferai graver là, dans une couronne de lauriers.

Et il désignait la place, un peu au-dessous du sein gauche.

Laure partit d’un franc éclat de rire, tandis que, tout confus, ayant le pressentiment qu’il avait dit une énormité selon les jugements du monde où vivait la jeune femme, il ajouta :

— C’est l’usage et ça compte pour un des meilleurs serments.

— Embrasse-moi, ça vaudra ta couronne de laurier, mon amoureux.

Il se glissa tout près d’elle, l’enlaçant de ses bras maigres et souples.

Laure eut la sensation d’être enveloppée par un enfant, et il lui sembla frais, à toucher de la lèvre, comme un fruit vert.

— Mignon, ce n’est pas très raisonnable de s’embrasser ainsi au clair de lune.

— Revenons chez moi !

— Non, c’est moi qui t’invite. Descendons.

Le jeune homme comprit alors ce qui allait arriver. Elle le menait, sans doute, à une tuerie, et il s’était laissé conduire comme un pauvre toutou pour un morceau de sucre. Au paroxysme de la fièvre, il ne pouvait plus reculer, il avait réellement le vertige, sa tête « sonnait les cloches », et il