Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/258

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de cristal doucement ébranlée, d’un hululement de chouette, d’un rugissement de loup dans le lointain. Ce félin, comme un petit être doué d’âme, pleurait sur le malheur de sa maîtresse et sentait ses nerfs se tordre parce que là, tout près de lui, les nerfs de sa mère adoptive se tordaient. On ne devait pas s’y méprendre, il pleurait vraiment, et Laure, entendant ses miaulements extraordinaires, écouta, du fond de son mal, se calma un peu, revint à elle, sans force pour se redresser ; elle l’aperçut, vers minuit, au milieu de la chambre, et ses regards fiévreux le suivirent dans ses évolutions bizarres. Tantôt il se plantait sur un coussin, l’air sombre d’une créature que l’idée fixe tenaille, sa queue rousse cerclée de bagues de jais battant ses flancs, l’œil brillant de phosphore dardé sur ce problème, toujours insoluble pour lui, le pauvre simple, d’une existence humaine ; tantôt il sautait sur le lit, s’approchait de ses lèvres, les effleurait délicatement de ses moustaches. Il finit par s’accroupir sur la femme, se faisant, en dépit de son poids de grand adulte, merveilleusement léger, la couvrant de son robuste petit corps de fauve, la serrant dans ses pattes veloutées, l’adorant, puisque aussi bien il ne pouvait la secourir.

Laure, au matin, eut un dernier sanglot qui la soulagea. Elle réfléchit, en caressant la fourrure de Lion. Elle ne voulait plus mourir. N’étant pas morte de son plongeon terrible dans l’abîme de l’abandon, où elle avait eu la folie de se jeter la