Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/263

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qu’ils coupent quelque chose, sans ça ils ne sont pas contents !

Spontanément Laure lui tendit la main, ne s’inquiétant plus de la tournure de ses phrases.

— Mes cheveux ! murmura-t-elle faisant onduler sa longue tresse avec le joli mouvement de son chat quand il reculait pour s’éviter une souillure.

Le jeune homme se précipita sur sa main goulûment, la garda dans les siennes.

— C’est plus fort que moi, voyez-vous, ça me picote les yeux de vous retrouver avec une figure de papier mâché. Ne faites pas du tout attention, j’ai envie de pleurer, je crois que je pleure pour de bon.

Il cacha sa face dans les plis de sa robe, sanglotant, et elle passa ses doigts fuselés parmi les embroussaillements de sa tête.

— Je me sens bien, très bien, mon pauvre Auguste ! Nous irons dans les bois, tous les deux… je te le promets.

Elle rêvait, à la fois tranquille et désespérée, devenue fataliste, selon la coutume de ces belles orientales qui n’aiment plus rien pour avoir aimé trop précocement. Un chat, un chien, un homme, un monstre, pourvu qu’elle fût adorée au moment où elle désirerait qu’on l’adorât !… Elle vivait de l’amour comme certaines idoles indiennes vivent de parfums, et elle laissait le plus humble lui apporter son grain d’encens. D’ailleurs, puisque rien ne se réalisait de ce qu’elle avait jadis rêvé, il