Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme exultant, il la suivait pas à pas, avec des allures de passionné, reniflant les jupons douteux, grattant les étoffes traînant dans des angles sombres, mettant des linges en lambeaux et revenant ensuite sur ses talons, la gueule mi-ouverte, les yeux féroces, comique à force d’être enamouré d’une chose impossible, pleurant d’un ton navrant de quémandeur idiotisé que jamais rien n’assouvira.

Il tyrannisait Laure avec des habitudes égoïstes, la faisant se tenir les bras arrondis pendant des journées entières, ne se dérangeant pas pour manger, exigeant qu’elle lui coupât sa viande par bribes imperceptibles qu’il daignait, tous les quarts d’heure, mâchiller du bout des lèvres. Il demeurait ensuite là pour sa digestion, la tête appuyée mollement sur le sein de la jeune femme, ses pattes réunies en bouquet, ou brusquement détendues comme des ressorts, jetant des syllabes de miaulement, des demi-mots bas afin de la distraire quand il la voyait prête à le lâcher.

— Rien que nous deux ! paraissait-il dire, savourant sa jubilation intime, tellement intime qu’il n’en laissait plus deviner aucun frémissement, finissant par faire semblant de dormir.

Un lien électrique les unissait. Lion comprenait à un geste que Laure allait ouvrir la porte, sortir pour aller chercher leur dîner. Il s’empressait autour d’elle, voulait lui manifester son plaisir et son chagrin, plaisir de manger bientôt une friandise, chagrin de ce qu’elle aurait froid dehors,