Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/315

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qu’elle était enfermée, prisonnière de cet homme inconnu qui allait revenir trop tard, peut-être ne reviendrait jamais !… Le chat étouffa ses cris en dévorant cette bouche grande ouverte ; cela l’irritait, lui, de l’entendre se plaindre ; il lui fendit la lèvre inférieure, troua davantage la fossette charmante de son menton, cracha sa bave empoisonnée d’une fétide odeur de musc sur ses dents blanches, sur ses gencives roses, sur sa langue pourpre. Comme une boule hérissée de dards, la bête frappait partout à la fois, rien qu’en virant sur elle-même. Après ses lèvres, ce fut le sein gauche dont il enleva l’une des extrémités, la fleur en bouton, ce fut le ventre qu’il couvrit de sillons capricieusement enchevêtrés comme un dessin de broderies grenat dans un satin de nuance laiteuse ; il lui arracha une paupière, et presque à la même seconde il lui sabrait la cuisse d’un formidable coup de griffe.

Elle se traînait parmi les coussins, souvent à quatre pattes, elle aussi, le portant sur sa croupe dans une pose de bête vaincue que son ennemie, la bête la plus forte, terrasse en la mangeant toute vive, se tordant sur les nouvelles attaques, et se redressant pour lutter, levant ses mains crispées avec une énergie farouche, secouant le chat collé à ses blessures, éclaboussant de taches rouges les tapis, les vitrages, le grand lit doré. Puis, saisie d’un désespoir morne, elle retombait les mains jointes, offrant son corps de malheureuse fille toute nue