Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/45

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La bonne prépara la poêle, mit à fondre une onctueuse graisse d’oie pendant que les enfants cassaient les œufs de leurs mains expertes à manier les objets microscopiques. Ces œufs les amusèrent avec leur jaune gros comme une lentille, leur blanc qui n’aurait pas rempli un dé à coudre. C’était la véritable dînette des écoles buissonnières.

— Déjeunez, mes enfants, dit le notaire avec importance ; et toi, Laure, ma petite, sois aimable, fais les honneurs. Tu dois remercier ce garçon de la peine qu’il a prise et oublier qu’il n’est pas de ton rang.

Il sortit.

Madame Lordès, discrètement, les laissa finir leur dînette seuls. Laure sentait déjà que le remède opérait. Elle questionnait fiévreusement son hôte et l’accablait de cuillerées de confiture, qu’elle mettait sur son pain à elle pour lui faire goûter à lui. Ils échangèrent leur nom. Il s’appelait Marcou, un diminutif de Marc. Il allait faire sa première communion comme elle, et il savait des choses sur le catéchisme qu’elle ignorait. La bonne leur fourrait des tapes dans le dos, en répétant : « Si on ne croirait pas un petit mari et une petite femme ! » Très égayés par le vin pur dont ils eurent le droit d’arroser l’omelette, ils décidèrent de s’amuser aux diamants dans la cour.

Elle paonnait devant le paysan embarrassé d’une blouse neuve et de forts souliers à clous. Elle le mena sous les angéliques ; ils s’assirent dans la