Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

V

Auréolé par un vitrail, ce jeune abbé leur prêchait la modestie, et, d’un geste lent, semant des rayons du bout de sa manche de mousseline, il les bénissait en les appelant les brebis du bon pasteur. Très droit, la tête pâle, les yeux fendus en amandes, il avait la silhouette, moins le dragon et le glaive, du chevalier Saint-Georges qu’on apercevait tout au fond de la nef. Laure l’écoutait sans l’entendre. Elle venait là, suivie de sa bonne, parce que ça tuait le temps et que l’église est le seul salon possible dans une petite ville. Elle se confessait peu, communiait trois fois l’an, mais ne manquait pas un exercice du Mois de Marie, car elle espérait toujours y rencontrer une occasion. Un feu intérieur la consumait ; elle affectait de grandes gaietés à propos de tout, dissimulant par habitude, et le désespoir la rongeait, elle ne savait plus que faire de sa peau. Femme avant l’heure, déjà prête à