Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/71

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était harmonieuse, nuancée de dédain quand il se tournait vers son troupeau de jolies niaises et de vieilles dévotes. Dans ce printemps délicat de l’église, parmi les flots d’encens, les gerbes de fleurs, combien de cœurs fanés pour combien de marguerites fraîches étoilant le fond d’or lumineux de l’autel ? Ah ! s’il confessait des naïves décidées à tout lui dire, il possédait, lui aussi, de terribles sciences ! Il savait les secrets des langueurs qui les prennent au lit durant les rares matinées de paresse, et les irrésistibles désirs, quand, dans la rue, on frôlait le beau garçon du quartier. Il savait tout et par conséquent devait être capable de tout. Laure, à travers les volutes de fumée piquées d’éclairs, contemplait le jeune homme nimbé de sa couronne de cheveux bruns.

À quoi pensait-il, lui, dont les yeux ardents ne se baissaient pas volontiers ? Le factice enthousiasme que vous procurent les sons majestueux de l’orgue exaltait l’imagination de la jeune fille, et l’entraînait jusqu’à se pencher sur la balustrade pour le mieux voir. Leurs yeux se heurtaient. Il lui sembla que le prêtre avait remué les paupières l’espace d’un seconde. Laure se tourna du côté de sa bonne.

— Joséphine, dit-elle, vous rentrerez seule, je veux faire ma méditation.

La bonne dévissa lentement un œuf de buis, remit son chapelet dans sa coquille, et se mêla aux groupes de femmes qui sortaient. Les cierges s’é-