Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/87

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Sa voix s’éteignit, navrée. Il venait de rire : il allait pleurer. Laure fut toute bouleversée par son accent :

— Mon pauvre monsieur Lucien ! soupira-t-elle.

— Oh ! ne vous défendez pas, reprit-il, c’est bien naturel, je ne suis pas beau, et vous êtes, vous, une si jolie fille…

— Lucien, vous vous trompez, je n’ai pas peur de vous… Comme ça, dans le noir, vous ne paraissez pas trop mal, je vous assure.

Elle s’était détournée un peu, s’adossait contre lui, le frôlant de tout son corps. Elle ne savait guère ce qu’elle faisait, se caressant à lui, simplement comme une chatte qui a trouvé un coin de meuble qui lui plaît et se frotte le museau, persuadée que le meuble ne se plaindra pas du jeu. L’occasion y aidant, elle n’était point fâchée de coqueter devant un mannequin d’homme. Soudain, le clerc se pencha, l’enveloppa de ses bras fiévreux et la ploya sous un baiser.

Elle se redressa rageuse :

— Vous me dégoûtez, vous ! Qu’est-ce qui vous prend ? Je ne suis pas un gibier pour vous, monsieur Lucien Séchard !…

Il lui saisit les poignets et lui dit d’un ton sifflant :

— Oh ! je vous connais… je sais, allez, tout ce que vous êtes, mademoiselle Laure !

— Tu me connais, toi ! rugit-elle se retournant, le feu aux joues.