Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/106

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défendre, et se blottissait au bord de sa route défoncée en misérable mendiante qui appelle la charité des hommes du haut d’un écriteau d’aveugle ! Je pense qu’elle me cachait son jeu. La voici pure et fraîche, des bouquets de mariée au corsage, et elle s’est fardée de vert pâle comme devenue trop blanche sous l’ardente lumière d’un bon plaisir nouveau. Elle nous attend, messieurs, je vous en prie, laissez-moi descendre. C’est ici chez moi !

La duchesse Lionnelle sauta sur la rive et la barque, délestée, eut une brusque révolte. Elle emporta les trois hommes, dirigeant sa proue vers la rive opposée. Ce devait être une vieille barque entêtée douée d’instinct.

Ces messieurs paraissaient de très mauvaise humeur. Ils avaient écouté le monologue de leur compagne en serpents écoutant un chant de flûte et ils auraient volontiers ajouté un sifflement ironique.

— Pourvu que cette barque ne fasse pas d’eau, soupira le poète. Il ne nous manque plus qu’une petite pastorale pour nous couler à fond. Peut-on boire et manger ici ? Où sont les restaurants ? On se croirait à vingt mille lieues de Paris.