Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans une chaise de roc. De là, elle voyait la barque malicieuse qui virait au gré des courants, promenant les trois hommes très las de ramer, se reposant en songeant à leur dîner, de plus en plus problématique.

— Ils ont déjà faim ! Les hommes ont toujours faim. Que c’est contrariant… le dîner à heure fixe !… Moi je n’ai jamais faim mais je mangerais volontiers à n’importe quelle heure. Ce sont de braves gens. Ils méritent vraiment mieux… que ce que je peux leur donner. Et je voudrais offrir la dernière brioche de mon cœur à un quatrième larron que je ne connaîtrais pas du tout.

Elle se mit à sourire d’un sourire enfantin qui éclaira un peu son masque dur.

La duchesse Lionnelle de Montjoie était une créature d’une étrange complication et fort simple. Elle semblait encore jeune car elle se passionnait inutilement, à propos de rien, pour une bête, une plante, un caillou. La campagne la précipitait dans un vertige dont elle ne remontait que pour déclamer certaines tirades qui charmaient ses meilleurs amis sans qu’ils en comprissent bien la portée réelle. À Paris, au milieu d’un salon ou dans les rues, elle