Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/124

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jusqu’au respect de la chose anormale établie par elle.

Cette sauvage, à sa façon, fort bien élevée, jugeait la société des viveurs parisiens comme une assemblée de fauves convenablement déguisés à laquelle on ne peut guère s’adresser que la cravache en main, par précaution pour eux-mêmes, afin de leur éviter de casser les meubles ou de salir les tentures. Les uns laissaient passer une oreille poilue au bord du capuchon, les autres ne parvenaient pas à entrer, dans d’étroits gants blancs, une énorme patte sombre, quelquefois le bout d’une queue satanique traînait encore derrière un domino. Or, elle savait de quelle façon on peut trouver la bête sous le vêtement de gala, singe ou tigre, et elle-même aimait à poser son travesti de femme pour rendre à ses membres, trop longtemps prisonniers, leur animale souplesse. Rien ne l’étonnait du monde factice dans lequel on l’avait jetée, une couronne sur la tête, comme le poids d’une malédiction. Elle continuait à ne préférer personne, à ne pas choisir, à ne pas aimer, ce qui lui donnait une grande force morale, si on peut employer ce gros mot qui ne la bouleversait pas. Elle était