Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— … Alors, continua le braconnier, j’ai tout vu et tout su avec mon dresseur. J’étais un enfant assisté, il avait tous les droits sur moi. J’ai appris, surtout, que la fidélité n’existe pas, même chez les chiens. Ils rapportent au chasseur… tout autant qu’au braconnier. Ils ont le cœur double, comme les femmes ; je n’aurai jamais de chien. J’ai quitté Coulance pour faire mon service militaire et j’en suis revenu ayant assez de la prison. Le vieux coquin de garde était mort. Il ne tenait qu’à moi de le remplacer et de faire la même chose que lui. J’ai pensé qu’il valait mieux m’établir à mon compte. Je ne dois rien à personne, étant braconnier, de mon seul état. Je suis moins riche mais plus fier. J’ai l’orgueil dans le sang. Et ce n’est pas de ma faute si j’ai été mal élevé…

— Certainement, non, s’exclama Lionnelle, car vous êtes un être adorable !

— Voulez-vous que nous laissions là ce déjeuner qui n’en finit plus ? proposa le jeune homme, la couvrant d’un regard qui se mit à flamber.

— Ça ne veut pas dire qu’on adore quelqu’un, prétendre qu’il est adorable, mon cher monsieur Simon.