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Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/183

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— Moi, ajouta-t-il avec une tranquille impudence, je ne mange pas de ce pain-là.

Et il tourna les talons, s’en fut dormir, car il était éreinté par cette course en auto où le vent de la vitesse, mêlant ses cheveux aux cheveux de la duchesse de Montjoie, lui avait donné une sensation de vertige inouï.

Ce qui s’était passé ne ressemblait, pour lui, à rien de possible.

Deux créatures aventureuses et libres, trop libres, avaient franchi, d’un bond, le saut-de-loup d’un parc seigneurial… et toutes les conventions mondaines ! L’auto, c’est la vie en avant.

On va vers un but en abandonnant tout ce qu’on laisse derrière soi et il se produit un tel renouveau de sensations qu’on oublie entièrement le passé. Pour la première fois, ce grand diable de trente ans, surpris en pleine force et en pleine passion, avait éprouvé la volupté du transport dans toute l’élégance du terme. Il avait dû laisser là son léger bagage de coureur des bois pour devenir un instant le coureur et le dominateur du monde. Renversé à côté d’une femme qu’il savait presque nue sous un cache-poussière de couleur neu-