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Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/48

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n’est pas encore une femme qui aime et c’est déjà une jeune fille pervertie. Elle a trop souffert inutilement, trop attendu l’heure du mystère. Maintenant elle se venge sans même s’en apercevoir. Son manteau d’auto s’est écarté et, là, dans ce café où toutes les races d’homme sont en train de boire à l’extinction de la soif, où toutes les joies brutales se sont donné rendez-vous pour s’exalter un moment avant de reprendre le dur métier des affaires, cet homme, d’une très vieille race, qui n’imaginait rien de mieux qu’un instant de repos devant la fraîcheur d’une coupe remplie de fruits glacés, aperçoit la délicieuse petite mariée, toute blanche, flocon de neige à la portée de ses lèvres ardentes.

— Regardez, fait-elle gravement offensée par le souvenir du geste maladroit. Il a taché ma robe en réparant son auto. Ça l’a fait rire et il m’a dit que j’aurais dû en mettre une autre. Ah ! vous ne m’auriez pas dit ça, vous, monsieur, j’en suis bien sûre.

Il sourit. Son regard se voile, se trouble, et ses sourcils se froncent.

— Vous êtes également sûre de ne pas me tourner un film tentateur, petite actrice en