Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je puis dire, en conscience, que je n’étais pas heureuse à Peddry. Du reste, je n’avais pas été plus heureuse ailleurs, je m’étais toujours ennuyée. Les Anglais ont souvent le spleen, mais le spleen des femmes n’est pas le même que celui des hommes. C’est de l’ennui : au lieu d’être blasé, on est ennuyé, ce qui est bien différent. On a une souffrance à l’état latent, un vague chagrin qui ne vient pas de la méchanceté des autres, ni de leurs chagrins : il est causé par la tristesse de votre cœur. Je n’aimais pas le plaisir, je crois que j’aurais aimé la solitude et la rêverie si j’en avais eu le temps. Mes devoirs étaient trop nombreux pour me laisser d’autre désir que celui du repos, quand ils étaient achevés. J’avais douze ans quand ma sœur en avait huit. Je n’avais pas encore beaucoup de sentiments, cependant je me souviens que j’étais aimante dans toutes mes actions et que j’étais contente de témoigner mon affection à mes parents. Ma sœur, elle, prit toute leur tendresse. Elle n’était pourtant que passionnée ; elle mettait plus d’éclat que de sincérité dans ses démonstrations, mais elle avait des manières très attrayantes ;