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Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/258

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de l’avoir perdu. Je m’accrochai à son épaule robuste pour ne pas chanceler.

— James, je vous pardonne !… bégayai-je, du plus profond de mon âme. Vous m’avez tuée ; mais ne l’ai-je pas tuée, elle ? C’est moi qui suis coupable, je vous ai unis en dépit de l’affection que vous aviez pour une autre ! C’est une complicité, cela ! Mon Dieu ! pourquoi me regardez-vous ainsi, de ce regard sombre ?… Je suis changée, n’est-ce pas ? Encore un an, et je m’en irai plus loin, bien plus loin que vous. Restez !…

James eut un éclair dans les yeux.

— Que dois-je comprendre, mistress, que vous n’osez pas m’expliquer ?

À ce moment, je faisais un rêve merveilleux et terrible. J’étais la morte, j’étais Madge, la chérie, je mendiais ma vie à celui que j’adorais, j’avais eu une jouissance infinie à pardonner, ma voix s’adoucissait dans ma gorge et trouvait des accents de tendresse navrante. Mon front s’inclinait sur sa poitrine large, il m’entourait de ses bras puissants, il me disait : Viens avec moi, mon Ellen… Sans doute, j’étais folle ; mais comme ce moment de folie