Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/32

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la route, le cœur palpitant, j’attendais sir Stow. On m’avait dit qu’il avait trente ans, une figure avenante, une jolie fortune, et, tout de suite, mon cœur avait battu, à l’intention de Madge. Je faisais déjà des calculs sur lui, comme une mère en peut faire sur son futur gendre.

Mon père entra. Il posa le livre qu’il tenait sous le bras, un volume de Byron, et donna un coup d’œil à mon lunch. J’avais fait mettre sur la table des glaces à la groseille, des fruits appétissants, une pyramide de sandwichs, des sirops, du lait, des limonades frappées, tout cela au milieu de gerbes de fleurs. Vraiment, il serait peu aimable, s’il ne faisait pas honneur au lunch… Mon père souriait.

— Eh ! eh ! disait-il, si tu avais des enfants, je croirais que tu veux marier ta fille ! Tant de soins, pour un jeune homme !

J’allai chez Madge ; j’ajoutai à son costume de mousseline des nœuds de ruban. Je lui posai une rose rouge dans les cheveux. Elle ne comprenait point ce dont il s’agissait. Pendant que je l’arrangeais, elle se tenait devant sa psyché, je vis une ombre d’ennui sur son front.