Aller au contenu

Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

brûlées par un soleil volontaire, meurtrier, une brute, j’ai rêvé de l’Orient… toujours plus lointain.

Je me tourne du côté de la petite Cléopâtre. Elle est toujours plus lointaine, mais si vraie, si vivante. Elle court. Elle descend des collines rouges, voici venir la femme, la reine des cruelles luxures. Elle porte la tête en arrière et ouvre toujours la bouche pour un cri qu’on n’entendra jamais. Dans ce reculement mystérieux des tentures ombrées par l’angle de la bibliothèque et des siècles, la petite reine arrive légère, presque chaste comme une enfant. Elle est pieds nus, court sans se blesser — elle sait choisir les endroits où écraser des bêtes mollement. — En courant, elle fait virer derrière elle le traditionnel parasol de plumes. Elle traverse des branches comme un oiseau et je perçois un bruit de jupe déchirée. (Ce n’est pas la sienne, c’est le parasol.) Elle a des yeux, des yeux ! Elle a des lèvres, des lèvres ! Je vois d’ici son sexe qui brille, humide, entre ses minces jambes, coureuses, frôleuses, comme le rubis d’un anneau entre les deux doigts d’une main s’écartant.