Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/34

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toutes parce qu’elle s’ignore. La voici, ma Cléopâtre d’ivoire, frêle et puissante de toute la force aveugle des morts, point dénaturée par les afflux de sève ou la tension des nerfs. Elle est l’unique, l’objet d’art splendide enfoui sous le fumier et plus rayonnant d’être immonde.

Je l’aime.

— Je t’aime, entends-tu ? je t’ordonne de me répondre, à présent.

Elle lève les yeux.

— Tout ça c’est du chiqué, murmure-t-elle un peu bâillante. Moi, j’ai sommeil. Il est trois heures du matin. Alors, quoi ? Fous le camp ou casque. J’en ai plein le dos de tes histoires. Tu es maboul.

Mais en disant ces mots, inouïs dans sa bouche de reine, ses yeux, ses yeux tristes ont proféré d’autres paroles. Un effort de l’esprit veillant sur elle a dénoué les liens mystérieux qui garrottent sa souveraineté. Ses yeux ont eu la mélancolie de l’exil et elle détourne la tête, la bouche mordue, révoltée à la fois contre elle et contre moi qui me suis permis de lui rappeler sa gloire. Je n’ai jamais éprouvé rien de pareil. Je