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Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/8

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le reflet de leur titre et ce sont les plus anciens, les reliés, les meilleurs, on ne sait… peut-être parce que reliés.

Dans un coin de la tenture de soie pourpre, une tête de Cléopâtre, un petit ivoire, tout à coup immense, surgit de la nuit en un recul de plusieurs lieues, me regarde et ouvre la bouche. Une bouche pleine de poussière.

On entend, dehors, des voitures. Celles qui ramènent, endormis, les gens qui ont dormi au théâtre. Le dernier souffle de la ville. Je vais donc sortir pour n’aller nulle part ? des cafés clos, des boulevards déserts. Un à un des becs de gaz qui s’éteignent. Et il faut que je sorte. Je n’échapperai pas à ma destinée.

J’ai au bout des doigts un frisson singulier que je connais bien. Mi-douloureux, mi-agréable, il me ferait briser des objets si je le laissais aller. Et je devine que ce frisson protège, à la rigueur, ce que je touche, l’enveloppe d’une caresse, j’ai le printemps sous les ongles. Quel quantième ? Vingt février. Précoce printemps. En cherchant la date, je lis les éphémérides : « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui,