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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/16

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détachait peu à peu de la femme, la livrant aux transparences électriques plus nue, malgré sa noirceur, que la statue de marbre. Jupe et corsage flottaient sur elle. Rien n’adhérait sérieusement à cette forme humaine, moulée tout à l’heure dans son fourreau de soie. Cette robe hermétique, dont le col mordait le menton en gueule de velours, s’épanouissait en corolle pour happer la nuque, ne la défendait pas contre la possibilité de se montrer belle.

— Pardon, Madame ! dit une voix d’homme, sifflant un peu entre les dents.

Alors elle daigna se retourner, sourire avec une politesse indifférente et ramasser sa traîne, d’un seul geste arrondi, comme une qui prend l’anse d’un panier plein de fleurs.

Elle était si flexible, se penchait avec une telle promptitude que tout à coup on la devinait plus jeune, plus animale, peut-être gaie, capable de courir ou de se jeter à genoux.

Elle releva sa jupe, elle releva les paupières ; on vit ses pieds, à peine chaussés d’un liseré de peau pareille à celle de ses gants, des pieds nus et noirs dans des bas de dentelles ; on vit ses yeux, nus et noirs sous une frange soyeuse en brins de fourrures.

L’homme s’arrêta hypnotisé, le souffle court.