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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/185

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« Chéri,

Puisque tu pleures, il y a de la ressource, et je regrette seulement de ne pas le voir, parce que cela me rendrait bien heureuse ! Je te dis les choses sans les orner de phrases, et je ne sais guère comment m’y prendre pour te consoler, mais je sais tout de même que je te consolerai… car l’Amour console de ne plus aimer.

Je crois que tu ne m’aimes plus. Il a suffi qu’une jeune fille, un peu trop pressée, te fasse la cour pour ce qu’on appelle le bon motif et le parle de moi selon des formules modernes… tu t’es tout de suite aperçu que je t’ennuyais ! Donc, je t’ennuie, moi, la belle jongleuse, la femme fausse, la comédienne ! Et c’est mon grand remords… je voudrais l’amuser, au contraire, l’entourer de jolies fleurs, de vraies femmes, de bons sourires… aussi de mes bras, car, s’ils sont très blancs, c’est pour te servir, chéri !

J’avais prévu cette éclipse de notre astre, je ne m’en étonne pas. Ce que je voudrais bien savoir, c’est en quels termes l’enfant t’a parlé de moi ? Cela me ferait de la peine d’être haïe par elle. Je crois qu’elle m’aime ou qu’elle m’aimera un jour, sincèrement. Mais, tous les deux, vous ignorez l’art d’aimer… qui est d’attendre