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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/221

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rencontre jamais dans une embrasure, celle-là, je… Enfin, il y a une chose certaine, c’est que demain, bien que ce ne soit pas son jour, je rapporte le manchon.

Éliante Donalger, pendant ce temps, pressait son cocher :

— Plus vite, plus vite ! Je suis malade, Jean !

Elle avait, en effet, totalement oublié son manchon, et ce fut pourtant à cause de ce détail que la grande jongleuse passionnée dut, à l’heure du choix décisif, abandonner la partie du présent pour jouer celle de l’éternité, en élevant son art jusqu’à l’apothéose !

Éliante rentra chez elle par le jardin de sa maison. Elle ne tenait pas à rencontrer sa nièce, car elle souffrait trop, et sa nièce ne l’aurait pas reconnue dans son costume de petite veuve dévote revenant de l’église.

Elle s’enferma chez elle, se déshabilla, remit une de ses robes favorites, une draperie de velours blanc ruché de dentelles rousses. La robe des fiançailles de Noël ! Elle promena la volupté des houppes de cygne sur sa face ravagée par le chagrin et se refit belle d’un espoir nouveau ; mais elle était atteinte dans la poitrine, sentait son sang s’en aller de son cœur, qui battait à l’étouffer.

Lorsqu’elle eut rêvé une heure, les yeux clos,