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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/227

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Éliante, toujours impassible, ferma les yeux.

L’amour, partout l’amour ! et elle, la grande comédienne, ou la grande victime de ses propres jongleries, ne savait peut-être pas encore au juste ce que c’était, humainement parlant. Vibrante et au-dessus de la terre comme une torche en flammes qui se consume, elle gardait tout et rêvait cependant de tout donner. Elle avait la véritable science, elle avait appris, à ses dépens, que l’amour peut jaillir de la source des pires douleurs morales ou physiques, et elle avait voulu traîner sur la claie celui qui deviendrait l’élu ! Pourquoi ? De quel droit ? Pour cette idée obscure que cela ne durerait pas ? Elle venait de franchir le grand pas désespéré, pleuré toutes ses larmes, le long de cruelles nuits en son lit mystérieux, son lit de volupté. Elle n’était faite que pour prêcher au milieu du temple désert, et demain, si elle devenait sa maîtresse, elle serait semblable aux autres, un petit trottin bien humble trottant derrière le Monsieur triomphant, et, en échange de son orgueil divin, elle ne donnerait même pas le bonheur. Elle avait les naïvetés de Ninaude parce qu’elle était d’un pays de rêve. Elle se signa gravement :

— C’est ma faute, c’est ma très grande