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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/310

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— J’ai fait tout ce que mon maître m’a commandé. Aujourd’hui même j’ai envoyé chez un notaire la copie de l’acte qui partage ma fortune entre Missie et son oncle. Je suis pauvre, plus pauvre que la petite artiste qui est allée, ce soir, gagner son pain en faisant valser les autres. La maison ne m’appartient plus. Je J’ai donnée en toute propriété à quelqu’un avec tout ce qu’elle contient d’agréable. Mais j’ai brisé les statues de cire et la collection des ivoires pour que les enfants n’en soient point scandalisés… je reste nue… dans ma robe, ma seule robe et mon maillot noir… mon costume de jongleuse, mon dernier travesti… Demain matin, je partirai…

— Pour où, mon Dieu ?

— J’irai retrouver mon pays, le royaume de mes songes ! La chaleur !

— Et moi ?

— Tu resteras ici !

— Jamais ! je te suivrai…

— Non ! Accepte cette nuit, l’unique nuit d’amour possible entre nous, celle qui ne doit pas finir, car je te laisserai un souvenir inoubliable. Je suis une grande coquette ? Soit ! Je veux qu’on respecte mes volontés.

Il la serra éperdument dans ses bras.

— Assez ! Assez ! Pas de jongleries macabres.