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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/60

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malgré son rhume, répétant qu’elle allait imiter Yvette, en reniflant à la fin des couplets. Elle souligna tous les passages graveleux, et, revenue du piano sur le canapé Récamier, elle alluma une cigarette, croisa les jambes :

— Fumez-vous, cher Monsieur ? C’est excellent pour le rhume, vous savez.

Léon Reille était ahuri. Il savait bien que l’éducation du jour tolérait ces manières de garçon manqué, seulement il songeait qu’une grande diablesse d’innocente pareille devait furieusement encombrer le salon d’Éliante. Mlle Missie n’avait pas l’air méchant, elle tenait tout au plus aux mines rosses, et elle aurait pu devenir jolie, si elle avait compris ce que la grâce naturelle, ou artificielle, teinte d’illusion un corps de femme, jeune ou vieux.

— Non, je ne fume pas… au moins devant les jeunes filles ! répondit-il flegmatiquement.

Il songeait aussi que la nuit chez l’Éliante d’amour s’était tout entière écoulée sans que lui, un fumeur de cigarettes, eût un seul instant regretté de ne pas oser en allumer une.

Il est vrai que le feu divin brûlait dans la sacrée potiche.

Il regarda Éliante, l’Éliante en visite chez Mme Donalger. Enfouie dans un grand fauteuil, toute noire, toute hermétique, elle ne souriait