Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/87

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Vous vous effrayez de peu de chose si l’histoire du vase oriental, qui est une légende, vous exaspère. Je n’aime pas qu’un vase oriental, je vous aime aussi ; vous êtes beau parce que personne, il me semble bien, ne vous a encore vu et que la lumière se tamise sur vous en passant par un rideau. Vous avez sur les yeux une laie bleuâtre, du même bleu que celui que vous m’avez fait en-dessus de la jarretière : cela, c’est le rideau du temple. Heureuse, mon cher petit ami, celle qui l’écartera pour lire en vous ! Vous n’êtes pas plus haut que mon cher objet d’art, mis l’un à côté de l’autre, vous seriez les deux frères très blancs (je crois que vous avez la peau d’un roux qui se teindrait en brun pour dissimuler de l’or ou de la flamme sortant de lui). Seulement, mon vase d’albâtre me paraît plus harmonieux, moins sauvage d’attitude, immobilisé dans la plus jolie posture humaine, la posture sans sexe.

… Non, ne me faites pas ces yeux-là, toute laie bleuâtre tirée ! Je sais ce que vous pensez. Quand je dis : sans sexe, cela n’indique pas que je veuille châtrer personne. Mon urne tunisienne est tour à tour une urne ou un vase, car cela lui plaît ainsi. Elle n’est pas forcée de fournir une opinion, de prolonger sa satisfaction de me sentir la caresser ou de se creuser de joie