Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/127

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jappait dans un affolement joyeux. On se sauva vers la forêt des moussues où il y avait un banc de gazon mystérieux. Mary distribua ses sucres d’orge, Siroco se coucha près d’elle.

— Mary, dit le garçonnet qui la tutoyait quand ils étaient seuls, t’a-t-on grondée hier ?

— Oh ! oui, commença Mary rageuse, Tulotte m’a encore battue, Estelle n’a pas voulu me donner du gâteau de riz que nous avions pour dîner, papa n’est pas revenu du tout, il est resté chez madame Corcette. Maintenant, il est toujours chez elle. Moi, j’ai dû écrire beaucoup de pages ce matin, et je n’ai pas dormi une minute, mon frère est détestable. Il crie tant que je finis par croire qu’il se fendra la bouche, elle ira rejoindre ses oreilles, cette bouche, j’en serai bien contente, va ! Et puis, il n’y en a que pour lui, quand même… La nourrice invente des plats sucrés, elle tourmente Estelle pour avoir de l’eau-de-vie… C’est drôle un enfant qui boit de l’eau-de-vie, hein ?…

— C’est drôle ! répondit Siroco dont les yeux bruns, fort beaux, contemplaient la fillette avec une tendre passion.

— Ensuite, on ne veut pas m’acheter une robe neuve pour la procession. Tu sais que la musique va suivre la procession et des officiers en grande tenue. On tournera autour du tombeau de Ponce-Pilate, là-bas, près de la route du chalet. Ce sera bien amusant, mais, moi, je n’irai pas… elles y mèneront mon frère… Oh ! je n’ai pas de chance, moi !