Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/135

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lac. Il regarda de tous les côtés. Son patron, plongé dans ses Manuels du bon jardinier, n’était même pas ressorti de sa maisonnette. L’Émotion resplendissait au soleil, conservant ses adorables nuances indécises, superbement délicate, un peu penchée sur sa tige, ayant son air inquiet de fille rougissante. Siroco avança le bras, une fois, deux fois, puis la cueillit, les yeux fermés ; un frisson lui parcourant tout l’être.

Après il se sauva comme un vrai voleur.

— Tiens ! fit-il désespéré… je n’ai plus qu’à me jeter dans le Rhône, car mon patron me chassera.

— Je t’aime bien ! murmura la petite panthère souriante et domptée, lui passant ses bras autour du cou, mais, console-toi, nous la rattacherons !

— À cette idée de rattacher une fleur, Siroco ne put s’empêcher de rire. Ils s’assirent, calmés, s’essuyant leurs yeux. Mary ne se lassait pas de respirer la rose qui avait réellement une odeur étrange. Soudain, elle y mit les dents et, dans un raffinement de plaisir, elle la mangea.

— Si les moutons… commença Siroco.

— Tais-toi, interrompit-elle, puisque tu ne pouvais pas la rattacher !… oh ! tu as été gentil… je te pardonne… je reviendrai… m’aimes-tu toujours ?

Elle se frottait à lui, heureuse, énervée, la peau chatouillée d’une sensation exquise, se renversant dans ses bras, appelant ses lutineries de petit homme précoce. Siroco s’imaginait qu’il jouait à la poupée et, en toute innocence d’ailleurs, il allait un peu loin.