Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/142

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sucre, celle-là son sein. Il souillait abominablement ses langes et on lui disait qu’il était beau, qu’il ressemblait aux fleurs.

Ce paquet de chair faisait les délices de ces créatures brutales ; c’était leur sensualité de tous les instants, elles l’embrassaient avec des bruits de lèvres goulues ; bien que l’intelligence ne fût pas encore née dans cet avorton de garçon, elles lui prêtaient des idées merveilleuses, il avait toute sa connaissance, il leur parlait, il montrait le poing à Tulotte, griffait Estelle, souriait à la nourrice. Les deux ordonnances s’en mêlaient, se le passant de main en main et l’appelant « mon colonel » avec des respects attendris.

Alors Mary, saisie de colères blanches, se demandait si elle ne ferait pas mieux de porter cet animal, plus stupide qu’un chat nouveau-né, à la rivière pour avoir enfin la paix. On le mena à la procession comme elle l’avait annoncé à son cher Siroco ; elle dut rester seule pendant que la nourrice accompagnait ce braillard vêtu d’une robe brodée, couverte de rubans.

Ce dimanche-là Mary, n’y tenant plus, sortit par la petite porte du jardin, elle courut jusqu’au trou des sureaux et appela très doucement son ami. Siroco, en train de faire sa lessive dans le lac de la vallée des roses, avait plongé successivement sa chemise, son pantalon et sa personne. Le père Brifaut était en ville, lui, gardait les plantations, profitant de son dimanche pour nettoyer ses loques. Il entendit der-