Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/17

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vers la même heure, Mademoiselle Tulotte et son élève, descendait de Clermont-Ferrand pour aller jusqu’aux abattoirs de la ville. On passait d’abord entre les murs de deux grands jardins. L’un, à gauche, était planté d’arbres énormes : des saules, des sapins, des ifs. L’autre, à droite, était très ratissé, avec peu d’ombrage et beaucoup de légumes en rangs interminables : des choux, des salades, des oignons, des melons, aussi quelques rosiers, du syringa, des pensées, des corbeilles de thym. Dans le premier il y avait une maisonnette fort jolie, toute sculptée, surmontée d’une croix brillante. Dans le second se dressait une simple cahute de planches couverte de chaume moisi.

Plusieurs fois, Mary avait demandé pourquoi le propriétaire du jardin aux beaux grands arbres ne se montrait pas, tandis que l’on apercevait sans cesse un homme, dans les vilains choux, un homme coiffé d’un épouvantable chapeau de paille, avec une bêche ou un arrosoir.

Tulotte, en dehors de la grammaire, n’aimait point les questions, elle répondait :

— C’est que l’autre jardinier est mort !

En réalité, les saules et les ifs dissimulaient des tombes, mais le mot cimetière lui paraissait difficile à prononcer devant une enfant de sept ans.

Derrière ce cimetière, s’étendait une plaine coupée par des sentiers poudreux : c’était la campagne, et des blés mûrs, ondulants, vous aveuglaient de leurs reflets dorés.