Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/182

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Mary s’éloigna, tremblant d’une colère impuissante ; ainsi il y aurait toujours quelqu’un entre son père et elle. Comment l’écraserait-on, celle-là ? Dégoûtée, elle se sauva au fond du jardin, où elle demeura jusqu’au soir sans qu’on vint la chercher.

De nouveau, les dames du régiment visitèrent la maison, portant des bouquets de camélias blancs et des couronnes de perles. Estelle et Tulotte reprirent le grand deuil, le père dans son étincelant uniforme, le crêpe au bras, reçut les mêmes phrases de condoléance ; seulement il pleurait cette fois, il pleurait de rage de n’avoir pas été là pour sauver cet enfant qu’il aimait déjà de toutes les forces de son orgueil de mâle.

Il avait eu un garçon et il n’en avait plus ! Il n’en aurait jamais plus ! Fini, bien fini, les joyeux espoirs pour l’avenir ! Il croyait, lui, qu’on élevait ces petits-là sans la mère, et au moment où on le sevrait, où il criait moins, où il suivait du regard les lumières, où il commençait à marcher, à gesticuler, à rire, on le lui tuait sous son toit, dans sa propre maison ! Pourquoi lui avait-on arraché cette brute de fille ! Il l’aurait massacrée si volontiers ! Pas de sa faute ? Est-ce que l’on dort quand on est chargé de veiller sur un enfant ? Les sentinelles qui s’endorment on les fusille, et madame Corcette miséricordieuse l’avait mise elle-même dans le train qui la ramenait en Franche-Comté ! La misérable paysanne ! Qu’irait-elle dire à la dépouille de la pauvre mère restée là-bas ?… Quel pardon pourrait-elle implorer ? Le chagrin du colo-