Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/227

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souriait d’un orgueilleux sourire de femme qui ne doute pas de la victoire. Elle attendait Zaruski ; Zaruski c’était son régiment, son corps, et elle se moquait des autres. Piètres ennemis ces chasseurs sans brandebourgs sur la poitrine !

Des tourbillons de poussière environnaient par instant le rocher de mousse, les spectateurs ne voyaient plus que la fillette debout dans la gloire du drapeau, sa tête dégageant une lueur d’astre. Le vent agitait ses cheveux noirs, lui donnant l’aspect d’une petite furie antique, et elle était aussi belle que comique dans son attente d’une victoire qu’elle croyait assurée.

Tout à coup, la mêlée devint brutale. Zaruski voulait passer, un capitaine de chasseurs, l’ennemi, se cabrait, à moitié désarçonné devant lui, barrant la route comme un homme qui perd son point d’appui.

— Eh ! Monsieur, cria le lieutenant impatienté, on voit bien que vous n’êtes pas à Saumur, ici !

La phrase était vive, mais on avait positivement le diable au ventre, ce jour-là.

— Parbleu, Monsieur, riposta le chasseur, un maigriot très rageur, je suis en pays conquis, et c’est pour cela que je m’empêtre.

— Farceur, fit Zaruski, si vous voulez tomber, faites-le avec plus de grâce, les dames nous regardent.

Et il poussa le cheval de l’ennemi, sentant que derrière lui on poussait le sien avec violence. Des