Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/241

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La phrase, depuis trois ans, ne variait guère et il s’éloignait suivant une pensée compliquée au sujet de son livre : Les Diatomées, ou se demandant quelle nouvelle théorie il aurait à propos des abcès sous-périostiques aigus. Célestin Barbe n’était pas méchant, il aurait volontiers ajouté une réflexion à son éternelle phrase, seulement cela lui prenait du temps ; les réflexions et le temps, pour parodier le mot des Anglais, c’est la science. Mary continuait sa descente, marchant sur ses pointes, retenant son souffle, ahurie encore par les malheurs de la famille que venait de lui remémorer Tulotte, elle errait dans les allées avec la mine d’un chien perdu en quête d’un maître.

Le jardin, lui aussi, l’impressionnait singulièrement.

À part un bosquet de petits arbres à l’écorce noirâtre, aux feuillages maigres, le reste des plates-bandes était encombré de plantes fort bizarres, d’odeurs suspectes, toutes les herbes médicinales que le savant cultivait lui-même avec un soin jaloux.

Il y en avait dans des pots, sous des châssis, en pépinière, en fossé, toutes ornées d’étiquettes latines qui troublaient l’imagination de Mary. Du banc de pierre adossé au bosquet, elle contemplait la série de cartes blanches, les seules fleurs épanouies de ce jardin de sorcier.

Elle n’avait aucun animal autour d’elle, les chats étaient sévèrement interdits, car ils auraient cassé des ustensiles dans le cabinet, il ne fallait même pas