Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/246

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nant ce chaos, une Vénus anatomique s’étendait endormie dans l’angle d’un mur, au-dessus de la bibliothèque, reléguée là comme une poupée devenue inutile.

Antoine-Célestin, penché sur sa table de travail, examinait à la loupe un morceau d’étoffe rougeâtre, il avait recouvert d’une toile quelque chose devant lui d’un geste furtif. Il se redressa lorsque la jeune fille eut murmuré, moins brave qu’elle voulait le paraître :

— Me voici, mon oncle, que désirez-vous ?

Une habitude médicale lui fit lever un peu l’abat-jour de la lampe, il regarda sa nièce d’un regard clair et perçant.

— Ne t’effraye pas, ma chère enfant, dit-il avec un sourire bienveillant. On ne peut guère causer en présence de ma sœur, elle est devenue sensible et elle me fait perdre mon temps en récriminations absurdes. Voyons ! allons droit à la question qui nous intéresse tous les deux. Assieds-toi !

Il lui désignait un escabeau près de sa table, mais elle resta debout, les mains appuyées au dossier sculpté, la tête inclinée sur l’épaule, anxieuse.

— Tu t’ennuies peut-être chez moi, mon enfant, reprit-il, la maison n’est pas gaie, il ne passe personne dans notre rue et nous sommes loin des centres bruyants. Ton éducation est terminée, je crois, tu sais lire, écrire, compter, coudre et puis, que diable ! tu es une demoiselle, aujourd’hui, une demoiselle à marier. Je pense plus que je n’en ai l’air à