Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/252

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Mary hésitait.

— Aurai-je la permission de parler haut ?

— Oui !… tu causeras avec moi, tu me conteras tes peines, si tu y tiens !

— Irai-je me promener en voiture, le dimanche ?

— Soit, je te promènerai !

— J’ai encore une chose à vous demander… et elle s’arrêta, rougissant de honte… pour Tulotte, ajouta-t-elle.

— Demande.

— Je désirerais lui acheter de mon argent du vin de Bordeaux, car…

— Car, fit-il en dissimulant une expression railleuse, elle t’a chargée d’insister là-dessus… Allons, nous sommes une demoiselle très digne tout en n’aimant pas nos parents ; ton caractère me plaît. Je t’avais mal jugée ! viens m’embrasser.

Elle s’approcha de bonne grâce, et mettant ses bras fluets au cou de son oncle qui dut s’incliner, elle l’embrassa.

— La paix est signée ! déclara-t-il gaiement, nous laisserons Tulotte boire ce qu’elle voudra, pourvu qu’elle ne se grise pas devant mes domestiques.

Tout en la soulevant du sol jusqu’à ses lèvres, il s’aperçut qu’elle sentait le réséda d’une manière fugace et délicieuse, comme certaines brunes lorsqu’elles se portent bien.

À partir de ce soir-là, l’existence de Mary changea peu à peu ; elle eut régulièrement sa place au dîner de son oncle, dans la grande salle à manger